• Rythmes, rythmes, rythmes... Et les programmes dans tout ça ?

     

    Dans son dernier et excellent billet,
    Pourquoi il faut alléger les programmes en primaireblog.francetvinfo.frAu cœur du débat sur les rythmes scolaires, la révision des programmes est l’une des demandes les plus fortes des enseignants du primaire (72 %), derrière la revalorisation des salaires (92%). La p... 
    Lucien Marbeuf détaille Claude Lelièvre à l’appui, l’évolution des programmes et du temps de travail des élèves dans le primaire français. Les raisons qui sous-tendent ces changements sont diverses.
     

     

     

    Je trouve qu’il est impératif, avant tout débat, de réaliser qu’on ne pourrait pas se contenter d’apprendre les mêmes choses aux élèves de 2013 qu’aux élèves de 1913. Le monde a changé et il est plutôt rassurant que les programmes aussi. D’autre part, je crois que le XXème siècle a été un siècle d’avancées sociales historiques notamment sur les droits de l’homme, de la femme et de l’enfant.
     
    Sur les rythmes de l’enfant, il y a actuellement un débat que j’aurais un plaisir immense à partager avec des collègues, sur le web ou, mieux encore, dans un café. Comment concilier les capacités d’apprentissages, le développement psycho-moteur et psycho-affectif de l’enfant tout en essayant d’organiser une école qui nivelle les inégalités sociales et territoriales. L’équation n’est pas simple et en plus elle bouge, en effet, chaque année, chaque mois s’invitent de nouveaux paramètres. La crise économique, la crise de l’euro, la crise de la dette, l’explosition de la demande d’asile, la délocalisation, la crise du pétrole, la crise écologique, sont autant de secousses qui rendent la résolution de ce problème presque impossible. Cependant, le ministre et son équipe sont là pour essayer de faire de leur mieux, et nous... peut-être pour y réfléchir un peu aussi, pendant nos temps morts s’il en reste.
     
    Par ailleurs, sur les idéologies dont Lucien Marbeuf parle, je me pose les questions suivantes.

     

    ICI... j'essayais de récapituler les choses.

    Finalement, l'opposition que je vois personnellement c'est celle d'une pédagogie de la case à cocher, contre la pédagogie de l'émancipation. Selon ce que je perçois, l'idéologie républicaine tendrait à voiloir brancher des tuyaux. Je m'explique, actuellement, il nous faut des informaticiens, des web marketteurs, des chimistes et des ingénieurs en matériaux (...) qu'à cela ne tienne, nous allons apprendre exactement les notions dont ces métiers sont dotés pour que nos élèves remplissent ces cases. A l'échelle en dessous, pour articuler les 20 ans d'études pour en arriver là, il faut découper ces compétences en petites briques, chaque année, les élèves devront amonceler leurs incalculables petites briques pour atteindre les briques de l'année suivante.

    On y trouve nécessairement tous les schémas classiques de l'apprentissage fast-food, le fast-learning c'est un enseignant, un enseigné, la création d'un sentiment de manque, la peur de faillir, de ne pas y arriver, la pression (chez tous les protagonistes), la magistralité par manque de temps et finalement un système à la «marche ou crève» qui inévitablement en laisse sur le côté. A vouloir en faire trop, peut-être oublie-t-on l'essentiel.

    Tout d'abord, les limites formelles de cette idéologie : selon moi, la faisabilité de cette idéologie s'arrête là où commence l'évaluation à outrance. En effet, pour évaluer correctement ces quelques centaines de compétences par an en fin de cycle 3, il faut les évaluer de trois façons différentes (diagnostique, formative puis sommative) et enfin les réévaluer hors contexte de la leçon. Ce qui représente pour chaque compétence un temps absolument déraisonnable.

    Cette théorie est en droite ligne de la structure pyramidale décrite par Pierre Frackowiak (encore lui) de l'éducation nationale, conçue dans les bureaux et inapplicable sur le terrain. Oui théoriquement, ça semble irréprochable... Mais n'omet-on pas quelque chose d'essentiel et qui permet, un peu comme une arme magique de contre-carrer l'insoutenable éphémérité des besoins de la société? 

    Je vais essayer de décrire cet argument que je qualifierais d'holistique.

    Je pense que les pédagogues axent beaucoup plus leur théorie (en tout cas, c'est ce qui me séduit) sur la mise en oeuvre d'un enseignement non obligatoirement exhaustif, mais émancipateur. L'idée est de mettre l'élève (ou oserai-je dire plutôt l'enfant ? Là réside sans doute encore un fossé entre plusieurs catégories de pédagogues) en activité, lui fournir du matériel pédagogique au sens de Philippe Meirieu et de le soutenir, de l'accompagner dans sa soif de découverte. L'enfant est alors guide de ses apprentissages et la première chose qu'il apprend, c'est à apprendre.  Les courants pédagogiques qui ont oeuvré pour la mise en place d'une telle école sont nombreux et je voudrais en citer quelques uns : ICEM, Montessori, GFEN, entre autres. L'adulte est là, à côté de l'enfant qui est acteur de ses apprentissages. Il y a là quelque chose d'hypocrite puisque les directives ministérielles disent bien sûr de respecter cet adage, mais les conditions extrêmes de surdose de programmes font de la classe une cocotte minute, l'enseignant est sans cesse pressé et oublie de donner le temps aux débuts d'instants pédagogiques et les élèves ressortent de là avec un besoin de défoulement inassouvi et comme le dit extrèmement bien Sir Ken Robinson, se retrouvent complètement ramolis devant le manque d'implication de leur activité scolaire (1). Rapidement, on en vient à diagnostiquer des pandémies d'hyperactivité et la Ritaline et le Concerta font irruption dans les écoles. Outre Atlantique, cette épidémie représente un vrai danger et questionnement pour les autorités sanitaires. Les TDAH sont diagnostiqués à tours de bras et tout le monde est satisfait.

    Mais où est passée l'école de Diderot ? L'école n'est-elle pas censée former des citoyens qui prennent part activement à l'accomplissement de leur démocratie ? Avant de devenir instituteur, j'ai été ingénieur et je peux vous dire que pour l'être, il n'est nullement nécessaire de connaître quoi que ce soit sur les droits de l'homme, sur la philosophie des lumières, sur la révolution française, sur l'évolution des systèmes politiques français et sur l'histoire de France en général. Alors certes, je savais bien faire mon travail (encore que...;) ) mais je n'avais aucune conscience politique ou citoyenne. Je crois que l'école doit former des citoyens qui sauront endosser la responsabilité de leurs droits et devoirs, des citoyens qui sauront se renseigner avant d'aller aux urnes. Et je crois qu'il vaut mieux pour cela avoir des programmes moins exhaustifs et surgonflés et plus de liberté d'éducation.

     

    Evidemment cela pose plusieurs questions. L'une d'entre elles, est celle d'un des fondements du service public : l'égalité de service. En effet, si l'on laisse dans chaque classe la liberté à chaque enseignant de choisir un peu plus ce qu'il va fournir comme situation d'apprentissage à ses élèves, on peut se retrouver avec une disparité conséquente. 

    Mais n'existe-t-elle pas déjà en pire?

    Pensez-vous réellement que tout le monde sache également proposer des situations en histoire des arts? en éducation physique et sportive? en musique? ou même en mathématiques et en français? Bien sûr que non, nous trimballons tous notre cursus, tous nos expériences et on ne sait pas tout faire tous aussi bien. 

    Je ne trouve donc pas que cet aspet là soit préjudiciable. En revanche les missions évoquées plus haut sont les raisons pour lesquelles je me suis orienté vers l'école primaire.

    Je me situe donc dans ceux, de gauche (dixit Lucien Marbeuf), qui considèrent qu'il faut préserver la musique, la géographie, les sciences, l'instruction civique, l'éducation à la santé et à l'environnement, l'éducation artistique (et peut-être même les premiers gestes de secours item oublié de la liste). Mais en visant plus large. En acceptant qu'on ne cochera pas toutes les cases. Je pense que l'on peut aussi rappeler que chaque année, selon une progression dite spiralaire, les enfants passent et repassent sur les mêmes notions. Il me semble que cela amoindrit la frustration de ceux qui s'élèvent contre les cases non cochées.

     

    (1) http://www.ted.com/talks/ken_robinson_changing_education_paradigms.html à la minute 3'40" environ.

    [2] http://bamans.e-monsite.com/pages/l-ecole-doit-elle-former-des-citoyens-ou-des-professionnels-competents.html

    [3]http://www.franceculture.fr/oeuvre-l-ecole-forme-t-elle-encore-des-citoyens-forum-liberation-de-grenoble-de-aurelie-filippetti

    [4]http://www.cemea.asso.fr/IMG/meirieu0898.pdf

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